L'Écho des nuits : extraits
Toutes ces nuits,
Je garde la mémoire de quelques vents du soir,
de ceux-là qui hésitent entre automne et hiver
parmi les ombres douces poivrées de vétiver.
Je garde la mémoire de quelque nuit d’ivoire
aux soieries retroussées d’où telle fantasmagorie
de farouche entité s’enfle du souffle des collines.
Je garde en la mémoire toute nuitée persane
aux rondes magiciennes où clochers et cyprès à la robe
alezane le poing brandi au ciel hennissent des jurons
Mais le regard de pluie de ces nuits anthracite
des nuits trans-épiderme des nuits à fleur de peau
dont le lavis d’étoiles se meurt dans un halo
qu’endeuille une nue de poussier d’où même
la lumière insolite et soufrée fait que la lune
hésite à encorner le vide
ces nuits-là qui pourra jamais les effacer de nos mémoires
Poème publié dans la revue « Présence africaine » (N° 154-1990) et dédié à LS Senghor
et dans L'Echo des nuits, Editinter, 2007.
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Prière à la nuit
Nuit Nuit O Nuit trois fois épelée, et qu'on se plaît à marteler comme le fer rougi pour l'assouplir et la rendre lisible...
Nuit plus compact que néant, volume en son vide, opaque de ce même vide à déflorer, puis à transcrire d'une encre sympathique qui en décèlerait le secret...
Nuit blanche à force d'être questionnée, méditée, réceptrice de quelque pacte ignoré, détentrice d'un non-dit félon...
Langue à décrypter, pleins et déliés unis pour tenter d'en découvrir quoi qui ne se sait dire, quoi qui ne peut s'écrire ?
Nuit sans étoiles, cilice, silence, habitée de notre poids de suie, invoquée trois fois ainsi qu'exorcisme, rituel lentement déchiffré, codifié, et en raison de cela signifiant...
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Poète, qu'as-tu besoin de magie ?
Les étoiles des mots
sont au creux des puits.
Elles en sont la richesse
autant de comètes filantes
que d'astres nouveaux
à repérer à découvrir
Détourne écueils et pierres
Suis les coudes des rivières
de l'imaginaire et de l'amour
mais éloigne-toi de qui
pourrait envaser la source...
Limons mêlés aux lumières
à ce prix seul la paix nous guette
C'est par le jeu des alternances
offertes que nous saurons
conjurer le sort des saisons
De ton quotidien, Poète,
puise l'émerveillement
Jeannine Dion-Guérin,
L'Écho des nuits,
préf. de Maurice Lestieux,
illustrations de Casimir Farley,
Soisy-sur-Seine, Editinter, 2007
(ISBN 978-2-3532-8012-4)