Quelques poèmes de Philippe Deniard
Elle me parle de l’écorce
rugueuse
du saule pleureur.
Elle me dit ses bras
qui entourent le tronc
et le feuillage caressant
qui les dissimule.
Elle ne me dit pas
l’écorce « comme »
comme le corps d’un homme.
Elle ne le dit pas mais
l'arbre l'a compris
***
Aux pieds des marronniers
austères et indigo
s’égrènent sur le gravier
les pas des badauds.
C’est un matin ordinaire
tout au plus il fait beau ;
la saison se veut printanière,
s’en réjouissent les moineaux.
Le ciel est sans nuage,
dorment les étoiles ;
le jour est à son avantage,
il pose devant sa propre toile.
Sous les marronniers indigo,
c’est un matin solitaire
tout encombré de ma peau,
j'ai mal à l'Univers.
***
Musique
La vague inhospitalière ratisse les galets.
Musique : raclement. L’orchestre joue à cache-cache.
Succion du rivage ; la falaise s’arc boute,
La vague revient. Danaïdes, à votre tonneau !
Les galets se résignent comme un peuple torturé
Tire ses chaînes sur le gravier de l’exil :
Avancer, revenir ; ballotté, impuissant.
La vague galonnée fière de sa fourragère d’écume.
Fourrager, comme fouiller ; la Terre est un ventre,
L’Homme la maturation de ses pierres,
Le galet, l’esclave sur le chemin du partir.
Musique : grondement. Le récif dresse ses barricades.
La mer se veut soldat mais la vague s’essouffle.
À la force du vouloir s’usent la chaîne et le boulet.
Musique : cliquetis : montent les chants des obstinés.
Les hommes s’en reviennent. Sans cesse recommencer !
***
Quelle certitude
Quelle certitude a-t-on
que la mouette n’emporte pas
les notes de musique ?
Et comment savoir
si cet oiseau n’est pas l’enfant
d’un ourlement de vague
ou celui de la risée d’un océan ?
Le musicien face au vent
est devenu invisible ;
l’oiseau traverse l’horizon,
gris-menaçant :
Tout s’explique ;
tout a une cause première,
une raison d’être ;
sauf quelquefois le hasard
quand il vient chambouler l’instant.
Poèmes aimablement communiqués par
Philippe Deniard. Avec tous nos remerciements.